Enfant, je demandais à mon père — professeur de médecine — pourquoi il portait toujours un costume trois pièces lorsque nous passions nos vacances d’été en Belgique. Je l’avais toujours vu vêtu de simples ensembles en wax au Bénin. Il m’expliqua que c’était le seul moyen d’être traité avec respect en tant qu’homme noir en Europe. À ce moment-là, une question s’imposa à moi : sommes-nous noirs avant d’être hommes ?
Le Mur des 8 Miles est un mur construit à Détroit en 1940 pour séparer les maisons occupées par des familles blanches de celles occupées par des familles noires dans le même quartier social. Haut de 1,80 mètre et long de 800 mètres, il n’était pas une véritable barrière physique, mais il en dit long sur les murs psychologiques délibérément construits depuis l’esclavage pour imposer la différence par la couleur.
Des études pseudo-scientifiques du XIXᵉ siècle, conçues pour « prouver » l’infériorité des Noirs, aux zoos humains où les Européens découvraient leur premier homme noir derrière les barreaux tout en pique-niquant dans les jardins d’acclimatation, l’image des Noirs a été manipulée et stéréotypée. Les images exotiques des premières cartes postales d’Afrique, les médias, le cinéma et la publicité ont tous contribué à cette perception, qui persiste et traverse les continents.
Dans cette série, je puise mon inspiration à la fois dans l’imagerie Jim Crow aux États-Unis post-esclavage et dans les clichés coloniaux imposés par les puissances européennes en Afrique, créant un dialogue entre ces deux héritages historiques.
Le noble sauvage, Oncle Tom, Tante Jemima… Comment, au XXIᵉ siècle, se débarrasser du sourire enfantin et un peu niais de la mascotte Banania ? Cette vision ethnocentrique, nourrie de stéréotypes et de manipulation d’images, devient réalité pour le spectateur. Elle façonne subtilement la perception, souvent de manière inconsciente, et a des conséquences sur la formation des identités individuelles et collectives.
Ici, le blackface ne rit plus en roulant des billes. Il se présente avec dignité, symbole de l’oppression mentale, appel à la raison et défi de rompre définitivement avec la différence — avec la subjugation et la dévalorisation de son prochain.
THE 8 MILE WALL
2017